Par Lorin Hitt, Professeur à l’Université de Pennsylvanie, Wharton School & René Bergniard, Directeur Général, Qlik France
Les entreprises sont à l’affut de nouveaux éclairages afin d’être plus performantes et compétitives, et elles ont compris que les données pouvaient leur apporter de nouvelles informations précieuses. Néanmoins, les compétences nécessaires à l’analyse et à la prise de décisions à partir de ces données ne sont pas toujours au rendez-vous au sein des entreprises et cela devient un enjeu majeur.
La difficulté réside à la fois dans la rareté des compétences en matière de données, mais également dans l’incapacité de bon nombre d’entreprises de les exploiter. Pour y parvenir, un modèle d’entreprise axé sur les données doit se mettre en place mais cette difficile transformation nécessite souvent d’importants changements en matière de compétences des collaborateurs, d’organisation structurelle et d’approche des processus décisionnels.
Les entreprises qui prennent ce virage ont tout à y gagner puisque le lien entre les stratégies axées sur les données et les résultats financiers concrets a été établi. Selon le Data Literacy Index menée par la Wharton School et le cabinet IHS Markit, un ensemble de pratiques liées au développement de la datalphabétisation (« Data Literacy ») associées à une meilleure performance ont été identifiées et les entreprises situées dans le tiers supérieur de cette mesure ont une valeur supérieure, comprise entre 3 et 5%. Il existe également un lien de corrélation positif entre ces pratiques et d’autres indicateurs de performance, parmi lesquelles la productivité et la marge brute.
Comment développer la data literacy dans l’entreprise ?
La maîtrise des données d’entreprise n’est pas uniquement déterminée par les compétences individuelles. Les entreprises désirant bénéficier des avantages d’une culture axée sur les données doivent mettre en place des formations et adapter leurs processus afin de donner à chaque collaborateur les moyens de prendre des décisions basées sur les données. Ces dernières deviennent encore plus précieuses lorsqu’elles sont distribuées à l’ensemble de l’entreprise, plutôt que lorsqu’elles se trouvent concentrées dans certains domaines. Les collaborateurs qui maîtrisent les données ont également besoin d’outils pour les aider à assimiler des informations complexes, les mettant en confiance pour interpréter ces informations et prendre des décisions éclairées.
Des salariés datalphabétisés à tous les niveaux de l’entreprise
En donnant aux salariés les moyens de prendre des décisions axées sur les données, les entreprises en retrouvent les bénéfices dans leur performance. S’il est vrai qu’y parvenir demande un certain investissement, améliorer la datalphabétisation ne doit pas nécessairement coûter une fortune. Certaines entreprises l’intègrent à leurs programmes de formations existants, d’autres font l’acquisition de logiciels d’apprentissage ou même d’ouvrages sur les données pour aider au développement des employés. Des ressources gratuites sont également disponibles sur le site du Data Literacy Project permettant aux entreprises de débuter. Quelle que soit l’option choisie, la mise en place d’initiatives à l’échelle de l’entreprise entraînera toujours des coûts, ne serait-ce que pour libérer du temps destiné à la formation du personnel.
Mais la difficulté va bien au-delà de l’enjeu de disponibilité des compétences : les données ne sont pas toujours disponibles partout et certains processus en empêchent parfois une utilisation optimale. Les changements nécessaires ne peuvent pas tous être portés par les initiatives de terrain. L’adhésion et le soutien de la direction sont indispensables pour s’assurer que les employés qui maîtrisent les données soient représentés dans l’ensemble des services et fonctions de l’entreprise. Si l’accès aux données et aux compétences en matière de données restent cantonnés à des silos, les bénéfices ne seront pas comparables. Les entreprises doivent donc donner à l’ensemble du personnel le pouvoir de faire appel aux données dans leurs décisions. Embaucher un Chief Data Officer qui ne soit pas rattaché aux équipes informatiques est aussi un moyen de s’assurer que les initiatives liées aux données ne sont pas centralisées et ainsi d’accompagner efficacement le changement.
Il est évident que les grandes entreprises qui comptent des milliers d’employés ne maîtriseront pas les données du jour au lendemain. Dans ce cas, il incombe aux dirigeants d’échelonner l’initiative graduellement pour en faciliter la gestion, en intégrant de nouveaux groupes au projet global tous les 3 à 6 mois. En parallèle, il convient de communiquer sur le rôle important des données dans les prises de décisions et de coordonner l’accès aux données et leur utilisation dans l’ensemble de l’entreprise. Enfin, il est important pour la direction de souligner le rôle déterminant de chaque collaborateur dans le partage des connaissances et pratiques liées aux données.
Instaurer une culture des données
Si le désir de monter en compétences vient principalement des salariés, il est crucial que l’initiative soit soutenue par le top management, dont le rôle est de promouvoir l’accès aux données. Ainsi, les collaborateurs sont véritablement encouragés à utiliser les données pour prendre des décisions qui autrefois n’impliquaient que la direction.
De nombreux efforts visant à améliorer la datalphabétisation se retrouvent limités face à des équipes dirigeantes qui manquent elles-mêmes de compétences nécessaires en matière de données pour lancer de telles initiatives. Pour pouvoir instaurer une culture de la donnée, les équipes dirigeantes doivent tout d’abord parvenir à bien comprendre comment les données peuvent être mises à profit dans l’entreprise.
Cela étant, les dirigeants les plus adeptes des données ne sont pas non plus à l’abri d’être confrontés à des difficultés pour initier un changement culturel d’une telle ampleur. Cependant, les bénéfices de la datalphabétisation en matière de performance d'entreprise, et son importance pour réussir dans la quatrième révolution industrielle, ne sauraient être ignorés.